mardi 26 mai 2009

Le joueur - Dostoievski

Le casino, c’est cet univers onirique confiné entre quatre murs où le noble éprouve - une fois n’est pas coutume - de l’empathie pour le traine-misère. Ainsi, le jeu devient cet allié infidèle sur lequel on se repose aveuglément. Car en chatouillant les narines du hasard, on se persuade qu’il est possible d’en percer les secrets. C’est en tout cas l’analyse que fait Dostoïevski dans ce roman « autobiographique » où, plus les personnages s’enlisent dans un maelström de défaites, plus leur appétit de jouer semble inextinguible! Comme le soutiennent les joueurs de Mah-jong, une partie n’a d’intérêt que lorsqu’on mise de l’argent. En une seconde le monde cesse littéralement de tourner et tout n’est que futilité excepté l'issue jeu ! C’est paradoxalement jubilatoire et oppressant, l’ivresse monte tandis que tous les membres sont pris de tremblements compulsifs et que le sol se dérobe sous nos pieds. La seconde d’après, tout devient irréel. Les chanceux se sentant porté par un souffle divin tandis que les malheureux sentiront leur être s’enfoncer dans les abîmes! Par ailleurs, cette œuvre satirique puise sa force dans la description caricaturale de citoyens venants de différents pays Européens (Français, Anglais, Polonais, Russes.) ainsi que dans une critique acérée portant sur la nature humaine. Finalement, on constate que le jeu accompagne une grande partie de nos actes. Dans la séduction, lorsqu’on recherche à s’attirer les faveurs d’autrui, qu’on teste leur crédulité, qu’on excite volontairement ses auditeurs par une argumentation provocatrice ou encore qu’on s’attèle à mettre à jour quelque secret, il s’agit toujours d’un jeu. Sans doute aux antipodes de ses autres livres, le ton léger arboré dans « le joueur » permet la succession de situations burlesques qui pourrait donner naissance à une formidable pièce de théâtre. On appréciera enfin l’élégance de ce personnage loufoque qu’est Alexis Ivanovitch (alter ego tout juste dissimulé de l’auteur) et l’évolution des sentiments qu’il nourrira pour Pauline.

jeudi 26 mars 2009

Forgotten silver, Peter Jackson (1995)

Forgotten silver, faux reportage mais vrai moment de plaisir, retrace la vie pour le moins atypique de Colin McKenzie, réalisateur maudit et génie du cinématographe.

Ce film est un merveilleux témoignage d’amour au septième art, et permet de découvrir ou redécouvrir les différentes étapes qui bousculèrent l’univers du cinéma. Les images volontairement vieillies sont véritablement spectaculaires et paraissent parfaitement authentiques. Par ailleurs, un humour subtil distraira le spectateur et fera de Forgotten silver une œuvre véritablement agréable à visionner.

Sans plus de commentaires, je vous invite à vous faire votre propre opinion de ce petit bijou servis d’une main de maitre par M. Peter Jackson.

Monde de Gloire, Roy Andersson (1991)


Dés les premiers instants, le ton est donné - Couleurs ternes, silence prolongé et scènes longilignes - engendrant des séquences affreusement insipides. Cependant, la première image que l’on a est presque insoutenable. Ainsi, la réaction du public est antagoniste à celle des protagonistes visiblement insensibles au portrait morbide qui se dresse devant eux. C’est comme cela qu’Andersson installe le malaise dans l’inconscient du spectateur, sentiment qui ne le quittera plus durant le quart d’heure que durera le court-métrage.

Par la suite, l’enchainement des scènes transmettra un message pessimiste sur la condition humaine à travers le témoignage de ce « courtier » qui lève le voile sur son intimité. Cette absence d’émotions qui s’amasse de scène en scène « déshumanise » littéralement l’espèce la plus évoluée. En effet, on est amené à se poser la question « Lorsque la société régit intégralement notre vie et que notre mort elle-même est anticipée, quel sens peut-on donner à l’existence ? ». Finalement, l’homme a annihilé l’humain. On s’emprisonne dans ce désir de stabilité perdant de vue l’essentiel ! De ce fait (pour en revenir sur l’analyse de Ravachol) un monde dénué d’art comme d’imprévu n’a plus aucune saveur, et si c’est le prix à payer pour avoir une place confortable dans les rangs, NON MERCI !!! On préféra alors une vie dissolue mais buvable… A l’aide de cette œuvre manichéenne, Roy Andersson conduira ses contemporains à se remettre en question.

mercredi 22 octobre 2008

L'historienne et Drakula

Le récit se développe à la frontière qui sépare la fiction de la réalité, s’appuyant sur des faits historiques pour apporter de la crédibilité à l’intrigue. On peut apprécier la description des lieux où se rendent nos différents protagonistes et la part d’explication concernant leur passé.

Par ailleurs, présenté comme un assemblement de témoignages, les deux tomes qui constituent le roman sont un enjambement de notes rapportées par trois générations de chercheurs en histoire tous unis par leur lien de parenté, mais aussi par le premier indice qui leur parvient de manière à priori "arbitraite".

Malgré l’agréable écriture de Kostova, certains passages sont un peu trop indigestes ! Description trop allongée par moment, personnages ridiculement embellis et valorisés tout au long des chapitres, et parfois même des incohérences flagrantes (exemple du professeur Rossi qui s’attarde sur des descriptions futiles alors qu’il prétend devoir aller à l’essentiel).

N’en demeure pas moins que la poursuite derrière l’histoire d’un personnage ayant véritablement existé au 15ème siècle - Vlad Tepes, Drakula - est passionnante, et que la chasse aux indices donne des envies d’évasion par delà les frontières d'Europe et du moyen orient.

vendredi 10 octobre 2008

L’orphelinat (Juan Antonio Bayona, 2007)


Décidément, le cinéma fantastique fait vraiment les yeux doux à l’Espagne, considérée à juste titre comme la « terre promise » du film de genre en Europe. Le générique de fin vient de se terminé, je me précipite alors sur mon clavier pour faire l’éloge de ce merveilleux film !

Pas d’effets spéciaux, pas d’horreur, juste un souffle froid qui nous parcoure le dos et nous glace le sang. L’histoire est certes "conventionnelle", mais quelle extaordinaire mise en scène! En plongeant dans l’histoire, en vivant la poursuite d’une mère à la recherche de son fils, on en devient déchiré par les angoisses des adultes tout en redécouvrant celles qu’on a connues durant notre enfance ! C’est l’ambiance du film qui nous immerge dans l’histoire, et l’histoire qui insuffle autant de réalisme au film… Dur de trouver les mots pour décrire un tel sentiment, car cela faisait bien longtemps que je n’avais pas vécue – presque au premier sens du terme – un film comme ce fut le cas pour L’orphelinat.

Notons la fin qui est des plus ambigüe. En effet, ne vous attendez pas plus à découvrir une « happy end » qu'une « sad end »… C’est une histoire d’interprétation, ou plus encore, de ressentis !

mardi 7 octobre 2008

De Hollywood à Tokyo

Avec plus de 100 ans d’histoire, les arpenteurs du cinématographe ont pu visiter mille et une facettes du septième art. Malheureusement, cela rend compliqué l’exploration de nouveaux horizons pour les amateurs des salles obscures. De ce fait, l’exportation du cinéma asiatique apporte une touche d’exotisme à cet art notamment grâce la différence de culture qui sépare nos deux mondes. Cette constatation est particulièrement vérifiable pour les films de genre qui sont par essence codifiés. En effet, la réalisation de films d’horreur ou de thriller répondent à certaines règles préétablies en occident et doivent alors se construire selon une architecture relativement rigide. En orient, les scénarios jouissent d’une plus grande liberté et arborent alors une dimension plus poétique et imaginaire.


Rétribution (Kiyoshi Kurosawa, 2007)


Dans ce thriller Japonais, Kurosawa nous offre un récit où s’embrassent la réalité et la fiction. L’originalité de ce scénario tient dans l’absence de grande révélation finale au profit d’une évolution progressive de l’enquête. Par ailleurs, les pièces ajoutée à ce puzzle nous permettent d'entrevoir la finalité de cette traque de la même manière qu'on distinguerait une silouhette perdue dans le brouillard. Faisant vaciller nos certitudes pour nous emmener ou il le souhaite, le réalisateur nippon se joue aussi avec notre compréhension à l’égard de l’intrigue.
Par ailleurs, impressionnante est cette aptitude qu’a Kurosawa à provoquer des frissons chez le spectateur en lui exposant simplement un visage inexpressif et une sonorité longiligne ! On distinguera éventuellement des petites similitudes avec Hitchcock ou Finsher, mais bien heureusement il ne s’agira pas que de pales ressemblances.

vendredi 3 octobre 2008

[REC] (Plaza - Balagueró, 2007)


[REC] est un film à sensation qui revisite avec fidélité l’univers des morts-vivants. Au niveau de la forme, le concept de la caméra « amateur » n’est pas non-plus trés novateur. En effet, Cloverfield (foirage cinématographique), Le projet Blair Witch et plus tôt encore Cannibale Holocauste, avaient déjà exploré cette technique.

Pourtant, malgré ces bases solidement pompeuses, [REC] s’affirme comme un film de série B parfaitement réussi. Intelligemment mis en scène par Balaguero et Plaza, l’atmosphère qui transpire aussi bien du son que de l’image traverse l’écran pour venir nous glacer le sang. Les acteurs du film - tous des amateurs - donnent aux personnages comme au scénario une crédibilité terrifiante. La valeur ajoutée à ce film comprends aussi le choix des personnages qui nous montrent le plus simplement possible les vices de notre espèce (racisme, égocentrisme, rébellion, ambition, naïveté.). Ainsi, nombreux seront ceux qui trouveront certains traits de caractères effroyablement familiers. Par ailleurs, le déroulement du film se fait majoritairement dans un milieu confiné – un immeuble - ce qui finit par être oppressant tant pour les protagonistes que les spectateurs. Si on compte sur l’amoralité – cependant logique – véhiculée par la prise en otage liée à la mise en quarantaine du batiment, la terreur suggérée par [REC] ne pourra que vous atteindre.
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Enfin, la prise de vue liée au port de la caméra plonge un peu plus le spectateur dans cette angoissante histoire, et en limitant son angle de vu il rend aussi l’ambiance beaucoup plus pesante. Ainsi, le frisson qui nous parcoure monte crescendo prenant son apogée à la toute fin. On ne peut pas sortir insensible de ce film.
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Les Ricains ont ils des problèmes d'indigestion avec le cinéma étranger? Toujours est il qu'un remake est fait pour tous les films étrangers qui auront marqué les esprits! Selon Michael Haneke, réalisateur de l'exélentissime "Funny Games", les pays anglosaxons seraient hermétique au cinéma étranger à cause de la barrière de la langue (cf: Mad Movies n°206).
A noter le ridicule du film "Quarantaine" remake de [REC] proposé par John Erick et Drew Dowdle qui vient d'être réalisé tout juste un an aprés la sortie en salle de l'original... Chapeau bas!!!

mercredi 24 septembre 2008

Paris, Texas (Wim Wenders, 1984)

La fin justifie t-elle la moyenne ?


Il est vrai que Paris, Texas est esthétiquement irréprochable tant les plans sont magnifiques. Malheureusement, le temps semble se figer lorsqu’on regarde un film aussi vide de vie ! Les scènes sont terriblement longilignes et les personnages mortellement ennuyeux. Il est des films qui savent insuffler au spectateur ce sentiment de mal-vivre sans pour autant l’anesthésier, mais ce n’est pas le cas de Paris, Texas.
L’histoire aurait put être culte si Wim Wenders avait trouvé une solution pour concilier la torpeur de la quête du personnage central - qui comporte beaucoup trop de zone d’ombres, même après la révélation finale –, avec l’intérêt nécessaire à captiver l’attention du spectateur.
Néanmoins, une grosse poigné de minutes est exquise. La scène des retrouvailles et des révélations entre Tarvis et Jane restera inoubliable, élégante et poignante. Cet homme qui casse le silence qui pèse depuis le début pour une tirade offre alors un passage merveilleux ! La fin quant à elle s’harmonise parfaitement avec le fil conducteur du film. N’en demeure pas moins qu’un assoupissement - justifié - aurait pu m’empêcher d’apprécier ce passage !
Je peux comprendre toute les bonnes critiques, seulement ce film ne peut pas s’apprécier sur l’instant mais au contraire après fermeture des rideaux et extinction des feux ! Dommage…

lundi 22 septembre 2008

Le temps des gitans (Kusturica - 1988)

Un jour le cinéma demanda à la musique de l’épouser, et de leur union naquirent une multitude d’œuvres parmi lesquelles se distinguaient celles d’Emir Kusturica. Dans le temps des gitans, les musiques tziganes transcendent tant les émotions véhiculées que les situations burlesques. Cette bande son lance une sorte d'enchantement au spectateur qui se laisse alors porter tout au long du film par l’entrelacement de rythmes et de mélodies.

Le temps des gitans est, dans un premier temps, un joli hommage au peuple tzigane. Cependant, et malgré la légèreté dont le film fait preuve, le sujet évoqué - prostitution et trafic d’enfant - est grave. La scène exhibant le viol d’une prostituée amènera alors le spectateur et le personnage central du film à prendre brutalement conscience de l’horreur de ce monde mafieux. Poétique, dramatique et drôle, Kusturica sait aussi bien jongler avec les sentiments qu’avec l’enchainement des images et des musiques !

Un seul petit reproche à apporter, la non constance du protagoniste incarné par Davor Dujmovic - Perhan - auquel il est difficile de s’identifier.

mercredi 17 septembre 2008

L'utopie selon Miyazaki


Déchirantes par leur cruauté, envoutantes par leur ambiance tant féérique que romantique et souvent très amusantes les œuvres de Miyazaki transportent le spectateur dans un univers inspiré du folklore nippon. Visionner un de ses films, c’est avant tout s’offrir un grand moment de divertissement. Pourtant n’y aurait-il pas un autre projet travestis derrière toutes ces histoires ?
Après avoir regardé plusieurs films du réalisateur japonais, on remarque qu’ils gravitent toujours autour de certains thèmes centraux. L’animation comme véhicule pour transmettre au monde les valeurs qui lui sont chères, voilà la seconde facette des œuvres de Miyazaki.

En effet, Miyazaki dénonce les méfaits du courant humaniste qui a semble-t-il perverti le cœur des hommes. Coupable de par son égocentrisme et sa soif de puissance, l’homme n’hésite pas à détruire la nature sans se soucier du caractère irréversible des ses actes. Pourtant Miyazaki n’en demeure pas moins un optimiste immuable. En effet, il garde foi en une espèce humaine pas entièrement mauvaise qui se soucie très souvent du bien être de ses semblables. L’homme n’aurait tout simplement pas conscience de l’impact engendré par ses méfaits. C’est ainsi que Miyazaki évite de tomber dans la facilité de présenter un combat entre le bien et le mal, pour nous livrer finalement une belle leçon de savoir vivre.
Cette volonté écologiste nous est aussi suggérée par la beauté des dessins représentant une nature accueillante et par la bonté des personnages qui la peuple. Malheureusement, quelque soit la sorcellerie, la ruse, la bravoure ou encore la sagesse dont ceux ci font preuves, l’homme finit toujours par avoir raison d’eux. C’est de cette manière que Hayao Miyazaki décide de responsabiliser l’homme, en lui faisant prendre conscience que l’avenir de la planète sera déterminé par les choix humains.

On remarquera aussi une quasi omniprésence des machines et de la technologie dans chacune de ses œuvres, et cette création semble être trop souvent l’objet d'hostilité et de malheur. Encore une mise en garde contre les avancés de la science ? Je n’en doute pas une seconde. Rappelons que le réalisateur est né au Japon en 1941, et qu’il a donc été confronté à l’horreur de la guerre. Il est donc compréhensible de retrouver une critique de la violence et un mépris des armes dans une majorité de ses œuvres.

On descellera enfin dans ces films, une touche de féminisme. En effet les héroïnes, souvent en rôle principal, ont une forte personnalité, et tant pis si pour cela on ne respecte pas la réalité de l’époque à laquelle l’histoire fait allusion. Miyazaki, derrière des films d’animation semblant être destiné au jeune public, serait alors un artiste engagé dont le souhait est d’impacter sur la sensibilité de toutes les générations afin de sauver l’avenir de la planète mais aussi celui son bourreau humain.