dimanche 14 mars 2010

Liberté (Tony Gatlif - 2010)



Ce long-métrage réalisé par Tony Gatlif propose une nouvelle fois les tribulations du peuple tzigane, mais cette fois-ci sous le régime de Vichy. Le décor choisis, outre son intérêt en tant que témoignage historique, est un choix d’autant plus astucieux qu’il permet de dépeindre de façon saisissante le rapport à la liberté chez les gens du voyage.

En effet le voyage comme vecteur de liberté est un principe vital pour ce peuple qui se voit imposer une vie de sédentaire sous le gouvernement de Pétain. Le premier sentiment qui s’abattra sur les protagonistes sera l’incompréhension. Incompréhension de se retrouver victime d’une guerre qui ne les concerne nullement, incompréhension de l’antipathie qu’ils font naitre chez les autres, et enfin l’incompréhension du dérangement qu’ils génèrent en vivant en marge. S’ensuivra alors un désir de révolte, dévorant mais irréalisable, à l’égare de la dictature liberticide qui s’abat sur eux.

Ces personnages charmeront enfin par leur simplicité, leur générosité, et surtout – d’un point de vue personnel – pour leur parfait décalage avec la civilisation, ce qui donnera l’occasion de sourire sur certaines réactions comiques. Pour finir la musique, indissociable à ce peuple, se mariera langoureusement aux images produisant un merveilleux tableau aussi envoutant que bouleversant.

jeudi 4 mars 2010

Le feu follet (Louis Malle – 1963)




Tout l’intérêt du film réside dans le désespoir de son protagoniste. Isolé durant sa cure de désintoxication à l’alcool, Alain Leroy se rendra à Paris pour espérer renouer les liens avec ses anciens amis. Pourtant tous ont évolué et personne ne partage l’angoisse perpétuelle dans laquelle baigne la vie du personnage principal.
A travers leurs épanouissements feints, les différents compagnons n’offrent en réalité à Alain Leroy qu’un simulacre insipide de bonheur. Perçut comme une résignation à accepter l’absurdité de l’existence, la vie des autres confortera alors le protagoniste dans ce sentiment d’être un réceptacle creux errant dans les méandres d’un monde peuplé de fantôme. Le problème c’est de tisser des liens avec le monde et surtout de trouver un sens à l’existence, ce qui fait défaut au héro. Enfin, le seul lieu de fuite facilement abordable qui s’offrira à Alain Leroy sera donc la mort, dernier rempart permettant de se détacher des affres de la vie.

lundi 1 février 2010

A serious man (Joel et Ethan Cohen - 2010)


A serious man constitue l’œuvre la plus personnelle des frères Cohen. A travers cette dernière, ils s’immergent sans retenu dans leur courant philosophique favoris : Le nihilisme.
Antagoniste à Pi, - la réalisation à travers laquelle Darren Aronofsky soutenait que tous les mystères de l’univers pouvaient être explicables par une formule mathématique - Les frères Cohen décrètent que rien n’a de sens. Ce film s’apparentera alors à une version édulcorée du subversif « Les infortunes de la vertu » du Marquis de Sade, tant les malheurs s’acharnant sur ce père de famille se joue de toute morale judéo-chrétienne. Pour soutenir ce constat, les réalisateurs s’appuient sur la métaphore du chat de Schrödinger, symbole du non-sens, de l’incertitude absolue, bref de l’incohérence. Alors nous assisterons à une litanie de situations burlesques dont Larry Gopnik sera l’infortunée victime. On retrouvera enfin le fatalisme de l’échec cher à Louis-Ferdinand Céline, ce qui finira d’asphyxier littéralement le héro du film dont la sérénité se dérobera progressivement. Et trouvera-t-il une réponse à ses malheurs ? Non bien entendu, cela est impossible car aucune institution n’échappe au nihilisme ! Ce film est donc un capharnaüm indéchiffrable : A l’image de la première scène présentant le meurtre d’un homme suspecté d’être un « vampire », mais dont on ne saura jamais le fin mot de l’histoire, puisque les Cohen nous régal d’une ellipse d’un siècle pour nous transporter dans une Amérique contemporaine en compagnie de nouveaux personnages. Pour finir, il s’agit d’un film marginal dans la carrière des deux frères, mais on y retrouvera bien évidemment le second degré dont les Cohen sont devenus des virtuoses.

dimanche 24 janvier 2010

Les raisins de la colère - Steinbeck



les raisins de la colère se gonflent et murissent,
 annonçant les vendanges prochaines

- Steinbeck -

A l’instar des personnages du roman « Des souris et des hommes », Steinbeck s’intéresse à nouveau à des hommes peu cultivés, en quête de lendemains meilleurs. Les avatars des Joad, présentés dans un style poétique, nous offrent une odyssée peignant la lutte des roturiers contre l’opprobre, le harcèlement et l’esclavage. Il s’agit de présenter une analyse poignante des vicissitudes accompagnant l’évolution d’une société libérale. Steinbeck puise dans la psychologie humaine pour en distiller le mécanisme, et ainsi éclabousser tous les acteurs de ce tableau. Il explique comment l’égoïsme et l’attrait du profit avili les puissants, lesquels rusent pour aliéner les travailleurs précaires. On distinguera aussi l’incompréhension des pauvres devant le machiavélisme dont ils sont victimes. La transformation de la crainte en mépris, ou parallèlement la solidarité qui se déploie chez les malheureux.

Loin d’une vision impartiale, Les raisins de la colère permet à son auteur de crier que l’homme doit vivre dignement, et qu’il doit avoir les mêmes droits quelque soit sa classe sociale. Enfin Steinbeck se révèle être un ardent humaniste qui crois fermement en la bonté de l’homme (ce qu’il met en scène à de nombreuses occasions), ainsi qu’un anarchiste potentiel qui devine l’homme apte à s’autogérer. Il semble pourtant désespéré de voir l’homme subir une litanie d’humiliation sans toute fois oser se révolter !

dimanche 10 janvier 2010

La grande bouffe (Marco Ferreri, 1973)


Ce spectacle, peinture de la décadence du monde civilisé se laissant engloutir par les plaisirs charnels, permet à Marco Ferreri de dresser un portrait caricaturale de l’homme moderne. C’est en effet sous les traits de pécheurs, immoralistes et libertins, qu’apparaissent les principaux protagonistes de cette métaphore. Plus encore, ce « vaudeville au vitriol » souille sans état d’âme les valeurs chères à l’occident en exhibant ces hommes aux mœurs légères qui ne témoignent d’aucun respect pour la monogamie ou encore la dignité humaine. Ainsi le personnage de Philippe (Philippe Noiret) reste inflexible. Malgré l’humeur scandaleusement libérée d’Andréa (Andréa Ferréol) il ne renoncera pas au mariage qu’il lui a promit. Le principal c’est le plaisir, rien d’autres n’a d’importance. C’est pourquoi les personnages affichent un comportement carpe diem exacerbé à l’outrance.

Par ailleurs l’œuvre est bâtit sur un parfait non-sens à l’image de cette autre citation de Philippe :
- Mange, sinon tu ne pourras pas mourir. Ce qui s’assimilerait comme étant une antinomie au vu des problèmes de sous alimentation connu comme un véritable fléau dans le tiers-monde. C’est dans la joie qui transparait sur les visages et dans les faits du groupe d’amis, réuni pour se donner la mort, que règne l’incohérence de cette fable.

Pour conclure, cette œuvre ne semble avoir qu’une finalité : Provoquer le croyant pour qu’il ne puisse plus détourner les yeux des démons qui le tourmentent. Et tant pis si il faut se moquer des valeurs judéo-chrétiennes pour en révéler l’hypocrisie. « Mieux encore », ce film fait l’apologie du péché (gourmandise, luxure) et affiche un profond mépris à l’égare de la religion (le mariage auquel tient tant Philippe malgré l’adultère). Ferréri cherche donc à détruire à grand coup de burlesque les fondements de la religion catholique pour atteindre enfin la LIBERTE ! Car il ne faut pas en douter, la grande bouffe est une parodie habile de la Cène. Ferréri semble nous dire :
- Si j’avais été Jésus, aux portes de la mort, j’aurais aimé mourir par le péché !

vendredi 23 octobre 2009

Les noces rebelles (Sam Mendes – 2008)

L’auteur de l’excellentissime "American beauty" explore une nouvelle fois, à travers ce long-métrage, ses thèmes de prédilection: La vie de couple, la quête du bonheur, le rapport au travail.
Sam Mendes aborde avec beaucoup de maturité ces différents sujets. En effet, ce n’est pas une sinécure de mener une existence heureuse, surtout lorsqu’une vie conjugale nous pousse continuellement à faire des concessions. L’harmonie du foyer se dissous lentement, et c’est un climat toxique qui vient se répandre graduellement autour des deux protagonistes. Chacun cherchera alors une issue pour fuir le désespoir ambiant qui semble flotter, comme indélébile, sur cette vie. Frank s’accrochera aveuglément à la moindre brèche lui permettant de fuir (l’adultère, le mensonge, le travail). De son coté, April tentera d’imposer un projet qui permettrait au couple de changer radicalement de vie. C’est justement l’antagonisme entre ces deux approches du problème qui rend ce film passionnant ! En effet, c’est la peur du changement qui pousse Frank à renier ses propres idéaux et à trahir ses sentiments. Parallèlement, April refuse de mettre en péril son couple et son bonheur au profit du "confort" que procure une vie stable et tracée d'avance.
C’est alors à travers un combat opposant l’ambition à la soumission que vont s'affronter les deux amants. Loin d’une vision manichéenne de la vie, comme la présente Roy Anderson dans "monde de gloire", Sam Mendes tente de démontrer que le monde offre toujours différents échappatoires à qui refuse de s’enliser dans la monotonie. Aussi, il est toujours possible de renier l’inertie et la fatalité. Il suffit alors de faire preuve de détermination.
Enfin, le drame du film semble être une alarme déclenchée par le réalisateur (ou le scénariste) pour nous avertir que l’accablement ne peut mener qu’à une fin malheureuse, et qu’il est impératif de réagir!

mardi 26 mai 2009

Le joueur - Dostoievski

Le casino, c’est cet univers onirique confiné entre quatre murs où le noble éprouve - une fois n’est pas coutume - de l’empathie pour le traine-misère. Ainsi, le jeu devient cet allié infidèle sur lequel on se repose aveuglément. Car en chatouillant les narines du hasard, on se persuade qu’il est possible d’en percer les secrets. C’est en tout cas l’analyse que fait Dostoïevski dans ce roman « autobiographique » où, plus les personnages s’enlisent dans un maelström de défaites, plus leur appétit de jouer semble inextinguible! Comme le soutiennent les joueurs de Mah-jong, une partie n’a d’intérêt que lorsqu’on mise de l’argent. En une seconde le monde cesse littéralement de tourner et tout n’est que futilité excepté l'issue jeu ! C’est paradoxalement jubilatoire et oppressant, l’ivresse monte tandis que tous les membres sont pris de tremblements compulsifs et que le sol se dérobe sous nos pieds. La seconde d’après, tout devient irréel. Les chanceux se sentant porté par un souffle divin tandis que les malheureux sentiront leur être s’enfoncer dans les abîmes! Par ailleurs, cette œuvre satirique puise sa force dans la description caricaturale de citoyens venants de différents pays Européens (Français, Anglais, Polonais, Russes.) ainsi que dans une critique acérée portant sur la nature humaine. Finalement, on constate que le jeu accompagne une grande partie de nos actes. Dans la séduction, lorsqu’on recherche à s’attirer les faveurs d’autrui, qu’on teste leur crédulité, qu’on excite volontairement ses auditeurs par une argumentation provocatrice ou encore qu’on s’attèle à mettre à jour quelque secret, il s’agit toujours d’un jeu. Sans doute aux antipodes de ses autres livres, le ton léger arboré dans « le joueur » permet la succession de situations burlesques qui pourrait donner naissance à une formidable pièce de théâtre. On appréciera enfin l’élégance de ce personnage loufoque qu’est Alexis Ivanovitch (alter ego tout juste dissimulé de l’auteur) et l’évolution des sentiments qu’il nourrira pour Pauline.

jeudi 26 mars 2009

Forgotten silver, Peter Jackson (1995)

Forgotten silver, faux reportage mais vrai moment de plaisir, retrace la vie pour le moins atypique de Colin McKenzie, réalisateur maudit et génie du cinématographe.

Ce film est un merveilleux témoignage d’amour au septième art, et permet de découvrir ou redécouvrir les différentes étapes qui bousculèrent l’univers du cinéma. Les images volontairement vieillies sont véritablement spectaculaires et paraissent parfaitement authentiques. Par ailleurs, un humour subtil distraira le spectateur et fera de Forgotten silver une œuvre véritablement agréable à visionner.

Sans plus de commentaires, je vous invite à vous faire votre propre opinion de ce petit bijou servis d’une main de maitre par M. Peter Jackson.

Monde de Gloire, Roy Andersson (1991)


Dés les premiers instants, le ton est donné - Couleurs ternes, silence prolongé et scènes longilignes - engendrant des séquences affreusement insipides. Cependant, la première image que l’on a est presque insoutenable. Ainsi, la réaction du public est antagoniste à celle des protagonistes visiblement insensibles au portrait morbide qui se dresse devant eux. C’est comme cela qu’Andersson installe le malaise dans l’inconscient du spectateur, sentiment qui ne le quittera plus durant le quart d’heure que durera le court-métrage.

Par la suite, l’enchainement des scènes transmettra un message pessimiste sur la condition humaine à travers le témoignage de ce « courtier » qui lève le voile sur son intimité. Cette absence d’émotions qui s’amasse de scène en scène « déshumanise » littéralement l’espèce la plus évoluée. En effet, on est amené à se poser la question « Lorsque la société régit intégralement notre vie et que notre mort elle-même est anticipée, quel sens peut-on donner à l’existence ? ». Finalement, l’homme a annihilé l’humain. On s’emprisonne dans ce désir de stabilité perdant de vue l’essentiel ! De ce fait (pour en revenir sur l’analyse de Ravachol) un monde dénué d’art comme d’imprévu n’a plus aucune saveur, et si c’est le prix à payer pour avoir une place confortable dans les rangs, NON MERCI !!! On préféra alors une vie dissolue mais buvable… A l’aide de cette œuvre manichéenne, Roy Andersson conduira ses contemporains à se remettre en question.

mercredi 22 octobre 2008

L'historienne et Drakula

Le récit se développe à la frontière qui sépare la fiction de la réalité, s’appuyant sur des faits historiques pour apporter de la crédibilité à l’intrigue. On peut apprécier la description des lieux où se rendent nos différents protagonistes et la part d’explication concernant leur passé.

Par ailleurs, présenté comme un assemblement de témoignages, les deux tomes qui constituent le roman sont un enjambement de notes rapportées par trois générations de chercheurs en histoire tous unis par leur lien de parenté, mais aussi par le premier indice qui leur parvient de manière à priori "arbitraite".

Malgré l’agréable écriture de Kostova, certains passages sont un peu trop indigestes ! Description trop allongée par moment, personnages ridiculement embellis et valorisés tout au long des chapitres, et parfois même des incohérences flagrantes (exemple du professeur Rossi qui s’attarde sur des descriptions futiles alors qu’il prétend devoir aller à l’essentiel).

N’en demeure pas moins que la poursuite derrière l’histoire d’un personnage ayant véritablement existé au 15ème siècle - Vlad Tepes, Drakula - est passionnante, et que la chasse aux indices donne des envies d’évasion par delà les frontières d'Europe et du moyen orient.