Spleen d’un auteur enlisé dans les vicissitudes de la vie, Angelopoulos tente d’extraire l’homme de son enveloppe d’artiste afin de pouvoir le restituer au monde. Alexandre, confronté à sa propre vie, découvre alors une existence vidée de toute sa matière. Dans cet environnement dénué de tout artifice, la solitude et les affres du futur constitueront l'essentiel de l’univers du protagoniste.
Pourtant, malgré la vacuité existentielle du principal personnage, c’est une œuvre d’une rare richesse qui nous est offerte. En effet, « L’éternité et un jour » est une véritable leçon de poésie où la beauté déchire la grisaille omniprésente pour s’infiltré tout au long du film. Esthétiquement époustouflant, le réalisateur s’appui sur une myriade de thèmes aussi variés que la quête d’identité, l’amour et le désarroi pour donner à son œuvre une incroyable consistance. A la fois intimes et communs, les axes de réflexion de l’homme-artiste bascule souvent de l’introspection à l’observation du monde. Par ailleurs, ce long-métrage constitue une mise en abime dans laquelle l’art observe l’artiste dans son incapacité à créer. Par-delà l’imagination, c’est dans la communication que réside l’obstacle empêchant le poète d’accomplir son œuvre.
Alexandre croisera alors le chemin d’un jeune immigré qu’il s’évertuera à aider par tous les moyens. Au cours des avatars de notre couple de personnage nous serons ainsi immergés dans une vision humaniste et poétique de la vie.
Soulignons pour finir la merveilleuse beauté de ce film. L’image des observateurs inertes se tenant derrière les grillages lors du passage à la frontière, et semblant évoquer une partition musicale, est une image récurrente dans ce film. En effet, à de nombreuses occasions (le mariage, la morgue.) la même image apparait mettant en scène un jeu de miroir qui place le spectateur face à lui-même. Par ailleurs, au cours d’un merveilleux plan séquence déplaçant le récit un siècle plus tôt, Angelopoulos offre par cette continuité une incroyable harmonie au récit d’Alexandre. Le point culminant du film étant porté enfin par la mythique et mystique scène du bus. Ce choix est d’autant plus astucieux qu’il symbolise parfaitement le déplacement dans le temps et dans l’espace commune à l’ensemble des œuvres du septième art ! L’autobus va alors s’apparenter à une salle de cinéma dans laquelle Alexandre va prendre à son tour la place du spectateur et assister à un enchainement de scènes où s’enlaceront le passé et le présent, le rêve et la réalité, révélant différentes facettes du réalisateur (le révolutionnaire, l'amoureux, l'artiste.).